La concurrence a du bon. La preuve, les plus gros se mettent à faire ce qui leur semblait impossible encore récemment. Sur le plan technique, l’airbag est l’un des deux domaines dans lesquels il y a le plus à faire pour la sécurité passive des motards et, n’en déplaise à certains, celui sur lequel il faut vraiment que tout le monde fasse un effort : les fabricants pour le démocratiser, les utilisateurs pour l’accepter et les pouvoirs publics pour arrêter d’imaginer qu’il faut obliger tout le monde à le porter.

Après des années de règne du seul airbag mécanique, avec son câble pas toujours facile à accrocher à la moto et le look (au mieux) de nageur de combat ou (au pire) de Playmobil est-allemand, l’airbag électronique a apporté un peu de fraîcheur dans un milieu qui commençait à sentir le renfermé. Surtout depuis qu’une marque a démontré aux ténors du marché qu’il était possible de proposer autre chose que des airbags intégrés aux blousons, hors de prix et, de fait, cantonnés à une marque de blousons ou de vestes. Depuis l’arrivée du gilet Ixon, la société In&motion qui est derrière leur système électronique a su convaincre Furygan, Held, Klim, Triumph et a surtout forcé Dainese et Alpinestars a se remuer les méninges et le derrière pour ne pas donner l’impression d’être à la ramasse derrière un Petit Poucet savoyard. Et devinez quoi, ça marche !

L’an dernier, Dainese présentait son Smart Jacket, un gilet autonome très proche des modèles jusqu’ici embarqués dans les blousons et combinaisons un peu mieux adaptés à la ville puisque efficace à l’arrêt mais souffrant d’une limitation assez importante et sur laquelle je reviendrai. Ce Smart Jacket commence à arriver en magasin. Cette année, c’est Alpinestars qui profite du CES de Las Vegas pour dévoiler le Tech-Air 5, un modèle là encore autonome, qu’on peut porter sous n’importe quel équipement textile et sous un blouson en cuir du moment qu’il y a 4 cm de marge sur votre tour de poitrine. Autant dire qu’à moins d’avoir fait faire votre blouson sur mesure ou d’avoir ingurgité une raclette par jour durant les fêtes, c’est bon. À quoi ça ressemble ? À ça :

Airbag moto Alpinestars Tech Air 5

Il ressemble beaucoup au Ixon et pas mal au Dainese ? C’est normal car il va être assez difficile d’innover sur la forme de ces gilets destinés à prendre place entre le motard et son blouson. La place manque, il faut que ce soit pratique tout en embarquant l’électronique, le générateur de gaz, le coussin et l’éventuelle dorsale. Mais par rapport à Ixon, Alpinestars a fait quelques choix intéressants.

Chez Ixon, technologie In&motion oblige, l’électronique est déportée dans une “box” placée dans le dos, qu’on déclipse pour la recharger et qui peut être échangée en cas de souci ou d’upgrade matériel par exemple. Mais ce choix implique que le bouton d’allumage (pour ceux qui ne laissent pas se mettre en veille) et les diodes sont également dans le dos. Or, si j’adore mon gilet Ixon, il faut avouer que quand je veux vérifier, juste avant de démarrer, qu’il est bien allumé, il n’y a que deux choix. Enlever les gants, le blouson, l’éventuelle veste chauffante (on se caille dans le Mordor verglacé) et le gilet avant de regarder dans le dos puis tout remettre. Ou virer les gants, trouver ce satané téléphone, lancer l’application, me ré-identifier et là, pouvoir vérifier que tout est ok, avant de ranger le téléphone et remettre mes gants. Ce qui, en hiver ou sous la pluie, est légèrement agaçant.

Alpinestars a préféré utiliser un bouton magnétique pour allumer le gilet, comme sur sa gamme actuelle de vestes adaptées au Tech Air Street. C’est simple et pratique. Quant aux diodes, elles se situent sur l’avant et au bas du gilet, facilitant la vérification. Pour les distraits et les grosses feignasses, c’est un sacré bon point.

Une vraie protection

Non, ce titre ne veut pas dire que les autres gilets ne protègent pas. Mais Alpinestars n’a pas oublié de zones. Colonne, avant du buste dont le ventre et donc les organes mous comme le foie ou la rate, épaules, clavicules et les flancs afin de préserver les reins, tout y est. Le volume moyen est de 12 litres. Oui, moyen car on comprend bien qu’entre du XS et du XXL, on a forcément des besoins différents… On est donc dans la moyenne de ce que proposent les concurrents. Pour la détection, c’est là encore du “grand classique” avec 3 gyroscopes, 3 accéléromètres et 1 GPS qui envoient leurs données 1 000 fois par seconde. Quand le cerveau de la machine détecte une situation anormale causée par l’absence de cerveau de celui qui vous aura grillé une priorité, il ordonne aux deux générateurs de gaz, placés en haut de la dorsale, de gonfler le coussin, ce qui est fait en moins de 40 ms. Soit de quoi protéger avant d’aller embrasser la portière, le capot ou le mobilier urbain.

Comme chez Ixon. Mais pas comme Dainese qui précise bien dans les manuels de tous ses airbags électroniques (oui, tous !) que la protection contre le “premier impact” n’est pas assurée. Si vous tapez, veillez donc bien à éviter la voiture pour être sûr que l’airbag se gonflera quand vous serez en l’air et là, la protection contre le “second impact” est opérationnelle. J’avoue qu’on a connu plus convaincant, malgré la souplesse et la légéreté mises en avant par Dainese (à raison) pour le SmartJacket.

Sur le plan technique, on est donc en présence d’un produit qui semble vraiment abouti. Il reste à espérer que la remise en route après un déclenchement ne sera pas trop onéreuse. Chez Ixon, il faut compter 90 € pour un générateur qu’on peut remplacer soi-même tandis que Dainese impose un passage chez le revendeur et facture l’opération près de 250 €. En parlant du prix, il s’affiche à combien ce Alpinestars ?

La marque a ici copié pris exemple sur sa voisine puisque le Tech Air 5 sera à 599 € chez les revendeurs dès le mois de mars. Et c’est le prix définitif puisqu’il n’y a ici pas de système électronique à acheter ou louer en supplément. Ceux qui ont payé leur gilet intégré près de mille euros l’an dernier seront ravis… D’autant qu’Alpinestars promet des mises à jour automatiques envoyées via l’application mobile, qui permet par ailleurs d’enregistrer et sauvegarder les tracés de ses balades.
Seul le prix des recharges n’est pas encore totalement défini par la marque [en date du 14 février].

Un tarif bien plus accessible que les gammes précédentes, une fiche technique cohérente et une protection bien pensée, on aurait donc l’airbag parfait ? Non. Mais son arrivée est un bon signal.

Pourquoi ? D’abord parce qu’elle prouve qu’Ixon et In&motion ont eu le nez creux avec leur gilet électronique autonome et que ceux-là même qui disaient à l’époque que ce choix était mauvais sont forcés de reconnaître que c’est celui-ci qui a séduit les utilisateurs, forçant les marques établies à se remettre en question et à revoir leurs tarifs. Ensuite parce que le développement technique y gagne. Il y a 5 ans, les partisans de l’airbag électronique disaient qu’il fallait forcément des capteurs sur la moto, ou que le gilet devait être solidaire du blouson. Apparemment, pas tant que ça et c’est un vrai bonus au quotidien. Mais surtout parce que plus il y a aura d’acteurs de premier plan sur ce marché, plus il sera pris au sérieux et plus l’airbag électronique pourra être adopté.

Finalement, la seule chose qui pourra entraver la réussite de l’airbag moto, ce serait que les assurances ou les pouvoirs publics le rendent obligatoire. Mais ce sera comme pour les gants, ils n’y réfléchiront que quand ce sera adopté à 95 %, de sorte que l’obligation soit surtout une belle opération de comm.

Un dernier point tout de même. Dans sa communication, vous verrez Alpinestars clamer ceci :

Le système Tech-Air® 5 protège autant que 18 dorsales.

communique de presse officiel

Ils répondent ici à Dainese qui dit que son Smart jacket protège autant que 7 dorsales. Mais c’est débile. Et faux. Enfin, c’est correct si l’on s’en tient stricto sensu aux chiffres en regardant l’absorption d’énergie mais foireux si on compare la manière dont ces valeurs sont mesurées. Car là où une dorsale va protéger d’un choc à un point très précis, on demande à un airbag d’apporter une protection surfacique. Si on heurte un angle super saillant, un airbag va montrer ses limites mais quand on vient taper une surface assez large (le sol, une voiture, …), il n’y a pas plus efficace.

Un airbag, comme un casque ou des gants avec un logo CE, n’est pas un bouclier magique. Comme l’a dit un philosophe :

La vitesse n’a jamais tué personne. L’arrêt brutal, c’est ça qui fait mal.

Jeremy Clarkson, Top Gear

Quand on tombe à moto, en passant de 50 km/h à zéro en une fraction de seconde, les organes et artères souffrent énormément. L’airbag sert à ralentir la décélération pour la rendre plus supportable. C’est pour cela qu’il faut qu’il se déclenche le plus vite possible en cas de collision. C’est aussi pour cela que les airbags à câble ne servent à rien quand on embrasse une fourgonnette : le temps que le câble se tende pour actionner le déclencheur, on est déjà dans la tôle.

Mises à jour du 14 février

Le volume moyen est annoncé à 12 litres. Comme les concurrents.
Le Tech-Air 5 est un brin plus lourd que le Ixon ou le Dainese, avec 1 800 g sur la balance. Mais si le gilet est bien plaqué, cela ne devrait guère se ressentir.
Le prix de la recharge n’est pas encore défini, contrairement à ce qui était écrit un peu partout au départ. À mon avis, Alpinestars avait fait une première annonce (250 €) qui a dû leur valoir de mauvais retours et s’adapte pour ne pas se planter.
Au sujet de la remise en route, à la première chute, l’airbag repartira chez Alpinestars pour une vérification complète puis il pourra ensuite se déclencher 3 fois sans contrôle. Après ça, retour chez le fabricant pour un changement du sac gonflable.
Dernière info, et non des moindres pour les motardes : la réponse officielle d’Alpinestars est que ce gilet est unisexe. Il n’y aura donc apparemment pas de version spécifique pour les fortes poitrines. Il n’y en a d’ailleurs pas pour les “forts ventres”.