Comment ? Tu roules tous les jours à moto ? Mais tu sais que c’est hyper dangereux ? Le risque d’avoir un accident est […]Les non-motards, tout le temps. Et la Sécurité Routière aussi.
Généralement, je n’entends pas la fin de ces discours car la personne qui en est à l’origine se retrouve malencontreusement confrontée à une soudaine et rapide collision de son appareil bucco-dentaire avec un casque promptement lancé. Je plaisante, je tiens trop à mon heaume pour l’abimer donc je préfère couper court à la logorrhée par un « Oui, tu as certainement raison. Tu veux venir faire un tour afin de te rendre compte de deux ou trois choses ? ».
Tout motard a en stock des dizaines d’anecdotes concernant ces petits moments où la température est montée d’un coup dans le casque. Pas les (malheureusement) quotidiens non-respects d’une priorité en ville ou d’un oubli de clignotant et qui ont laissé penser à certains que des centaines de vidéos de Daily Observations pouvaient présenter un quelconque intérêt. Non, ces sales coups dont on se dit en y repensant que ce n’est pas passé loin.
En avalant 200 km de départementales par jour, les premiers sont effectivement légion mais, à force, on les voit venir, on sait que ça va se produire et, finalement, on les évite par anticipation. Ce qui n’empêche pas de pester. Et puis il y a les seconds, que l’Univers place devant toi sans doute pour tromper l’ennui et la monotonie. De préférence sur une période réduite pour mettre à l’épreuve tes réflexes et l’efficacité de la lessive qui devra essayer de récupérer tes sous-vêtements. Même quand, conscient de la situation, tu as mis un maximum de chances de ton côté.
On me voit, on me voit plus…
Mercredi soir, retour du bureau par les petites et amusantes routes auvergnates avec une nuit qui est déjà tombée depuis un moment. J’ai donc allumé les additionnels dont est équipée Thérèse. Couplés aux ampoules à diodes de l’immense phare, ça me permet d’éclairer comme un Airbus sans aveugler les gens. Et donc d’être très visible. Mais pour être vu, il faut avant tout être regardé. Et là, en sortant de ce rond-point qui marque la sortie d’un village, je vois bien ces deux voitures qui arrivent en face et ralentissent pour tourner à gauche. Elles ralentissent et s’arrêtent. Donc les conducteurs m’ont vu. D’ailleurs, pendant une seconde, rien ne bouge donc je peux passer sans crainte. Ah ah, naïf que je suis !
Deux secondes avant que je ne passe, le premier démarre, tourne à gauche et se retrouve donc en travers, sur ma trajectoire. Ceux qui ont connu ces moments savent qu’on a alors pas le temps de réfléchir, on agit par automatismes : freiner sans trop écraser les freins (pas d’ABS sur Thérèse) et surtout chercher à éviter l’impact, désagréable quelle qu’en soit la vitesse. À droite, ça arrive sur un terre-plein, mauvaise idée. Tout droit, ben c’est bouché hein, y a un neuneu en SUV… Sur la gauche, si la seconde voiture ne bouge pas, ça peut passer. Quoi qu’il en soit, je me dis qu’il vaut mieux taper un peu de côté que de pleine face. Hop, coup de guidon à droite pour partir à gauche et la moto qui freine. Enfin, qui freine de l’avant parce que ma délicatesse a bloqué l’arrière quelques mètres, mettant la moto en glisse et, finalement, dans le bon axe pour passer derrière l’abruti sûr de la résistance de sa Renault surélevée (je hais les SUV). Un abruti qui a d’ailleurs poursuivi sa route. Avec, je l’espère, une petite frayeur à l’idée de voir un motard s’inviter sur son siège passager.
Là, vous allez me dire que c’est bien la preuve que c’est dangereux de rouler à moto. Mais en fait, non. La situation aurait été la même si j’avais été au volant. Je n’arrivais pas en excès de vitesse et il sera difficile de dire qu’on ne me voit pas. Parce que Thérèse, la nuit, ça donne le truc à droite. Sauf qu’en voiture, je n’aurais pas pu éviter l’impact, on aurait tapé. Certes, avec une carrosserie et les airbags, sans gros dégâts corporels. Mais le souci ici n’était pas la moto mais l’absence de logique, de réflexion et de concentration en démarrant sans se demander une seule seconde si c’est faisable.
Et comme ça faisait longtemps que je n’avais pas eu une alerte de ce style, j’ai eu droit à la seconde couche ce matin. Enfilade de courbes et virages dans les Gorges de la Sioule, sur une chaussée rendue humide par la rosée, dans la descente. Rien d’effrayant et par chance, avec une bonne visibilité. En face, un poids lourd, tractant avec peine ses 40 tonnes dans une longue courbe (pour lui) à droite. Vous le voyez venir ? Bingo, une voiture en a eu assez et a décidé de le doubler. Je lui fais un appel de phare et réduit ma vitesse. Elle se rabat (comme Tito) mais là, telle la fourbe seconde lame du rasoir, une autre voiture, qui avait emboîté le pas dans ce dépassement stupide sur bande blanche. Et là, ça ne passe plus, elle ne peut pas se rabattre. D’ailleurs, le conducteur ne fait aucun début de manœuvre en ce sens, sans doute plein d’assurance dans la capacité de son Touareg à encaisser le choc (je vous ai dit que je détestais les SUV ?). Contre toute attente, Thérèse est moins grosse qu’elle n’en donne l’impression et elle parvient à se faufiler entre le parpaing à roulettes et le bas-côté trempé.
Le motard roulait trop vite ?
Là encore, sans être à moto, ça finissait en entrefilet dans le journal local, en augmentant les stats d’accidentologie. Là encore, ce n’est pas la moto qui est dangereuse. C’est cette satanée combinaison d’inconscience, de m’en-foutisme et de moi-d’abord, qu’on peut renommer en syndrome du “les autres feront bien l’effort d’éviter les accidents que je provoque”.
Vivement ce soir pour la passe de trois ! Quoi que, je l’ai sans doute eu ce matin, juste en partant de chez moi, quand j’ai suivi une voiture arborant les logos de la carrosserie du coin, tous phares et feux éteints. Malgré trois appels, aucune réaction. Je la double et au feu suivant, je descends pour lui signaler. La réponse est aussi incroyable que déprimante :
Je viens de prendre la voiture chez le garagiste et c’est compliqué parce que dans la mienne, tout se fait tout seul.
“conduire c’est compliqué”
Donc il sait qu’il roule en étant invisible dans le noir mais il s’en contrefout. Et en finissant avec un motard sur le capot, on peut être sûr qu’il dira que le motard roulait trop vite.
Et donc, pour répondre à la question qui débutait ce billet devenu bien trop long, oui, je roule tous les jours à moto. Mais, non, ce n’est pas plus dangereux qu’en voiture. En revanche, j’ai plus conscience des dangers, ce qui fait que j’essaye de ne pas en être à l’origine. Parce que j’ai assez à faire à anticiper ceux créés par les automobilistes qui, dans leur voiture (ou leur satané SUV) sont intimement persuadés que “la moto c’est dangereux”. Quand j’entame un dépassement, je ne le fais que si je sais que je peux le terminer avec une marge de sécurité, pas en me disant que les autres vont freiner pour que tout se passe bien. Quand je démarre à une intersection, j’ai estimé la vitesse des autres, je ne me dis pas qu’ils vont lever le pied pour que je puisse passer. Parce que, au final, quand il y a 2 voitures qui s’ajoutent à l’équation, je fais attention pour 3 quand l’automobiliste a du mal à faire attention pour 1.
La prochaine fois que quelqu’un, pensant bien faire, vous parlera des dangers de la moto en vous bombardant de statistiques effrayantes, demandez-lui simplement quelle part il pense représenter dans le risque qu’un motard a d’avoir un accident grave. L’enfer, c’est les autres ; surtout quand les autres n’ont pas conscience de l’avoir pavé avec leurs bonnes intentions.
En attendant, je commence à me dire qu’une vraie dashcam moto, comme la Innov K2, n’est pas une idée stupide. Juste au cas où en fait.
Merci !
Merci d’écrire et de décrire aussi bien le quotidien des motards à l’année.
Je ne suis pas exempt de défauts, certes, mais ces expériences régulières me font réfléchir à investir dans une dashcam (avant/arrière) pour m’aider si j’ai un souci après contact ou pour aider mes proches si nécessaire…
Oui, pour la même raison, je surveille la Innov K2 qui est une dashcam vraiment adaptée à une utilisation moto. Pas pour partager mes “exploits” au guidon mais, comme toi, pour servir de preuve. Au cas où.
Top ton billet et malheureusement trop proche de la réalité à mon goût.
C’est tout-à-fait ça, je me retrouve complètement dans ton avant-dernier paragraphe.
Quand j’explique à des connaissances ma façon de conduire pour rester en vie (malgré un rythme soutenu) je parle de conduite défensive, ou defensive driving dans la langue de Shakespeare.