Bon, 105 km à moto mais par des températures oscillant entre moins zéro et moins cinq, ça réveille sacrément. Avec un bilan surprenant.

Notez que la distance est habituelle puisque c’est mon trajet vers le boulot. Et, forcément, pareil le soir mais dans l’autre sens. Mais le soir, en cet automne avancé, n’est pas un vrai souci en Terre du Milieu, les températures en journée réchauffant (pour le moment) suffisamment le bitume pour pouvoir rouler sans se poser plus de questions que nécessaire. En revanche, quand je quitte la Comté dès potron-minet pour prendre la direction du Mordor, c’est une toute autre histoire. Car si pour la majorité des gens, l’hiver dure de fin décembre à fin mars, ici, il s’invite également de 20 h 00 à 8 h 00. Environ.

Et ce matin, avec ‑2 °C au départ mais une route ultra sèche, c’est vivifiant plus qu’inquiétant et le fond de l’air permet de bien réveiller le bonhomme avant d’enfiler le casque. Et de s’assurer que par un filet d’air ne peut passer. Tour de cou bien remonté dans le casque, gants bien serrés, moteur chaud, c’est parti.

Dix bornes plus loin, je commence à me dire que c’était vraiment une idée pourrie. La zone est en hauteur, exposée au vent qui a soufflé pendant cette nuit sans nuage. Le sol est verglacé, je sens la moto dodeliner du popotin même en ligne droite. Hop, on vise la trajectoire semblant la moins humide possible, on garde la moto droite et on la fait tourner sans toucher au guidon (comme d’hab, mais en pire). Et je bénis l’efficacité du frein arrière. Car dans ces conditions, on oublie totalement le frein avant, dépourvu d’ABS. Quoi que, pour avoir testé ça il y a quelques années, perdre l’avant en tournant sur la glace, ABS ou pas, ça reste un loisir à déconseiller.

Quinze kilomètres après le départ, je double un scooter 50. Il a des gants à peine de mi-saison, un blouson au rembourrage aussi épais que le sens du respect chez Hanouna et un casque sans lentille anti-buée. Vous pensez être un héros quand vous prenez la moto sous un temps moisi ? Mais les vrais warriors, ce sont eux, ceux sur les 50 quand il fait un temps à ne pas mettre un custom dehors. Un petit signe du pied en me rabattant en espérant pour lui qu’il s’arrête au prochain village. Parce qu’après, le trajet plonge dans les Mines de la Moria les gorges locales avant de remonter sur un petit col. 700 mètres, puis 350 et re 700, avec des virages serrés dans une pente allant de 8 à 16 %. Ça oblige à rester très délicat avec les commandes. L’avantage de l’hiver, c’est qu’on remarque moins quand on se prend une bonne suée au moment de déclencher le virage.

Après le col, fin de la glace au sol. Youpi ! Place au brouillard. Et au moment de passer la main sur l’écran pour le nettoyer, la joie de voir le champ de vision devenir encore plus pourri tout en entendant le “schkrkrkrkr” indiquant que c’est un brouillard givrant. La vie d’un motard est faite de joies simples. Non mais franchement, quelle idée.
Les 15 derniers kilomètres se feront sur voie rapide. Enfin, pas trop rapide puisque l’effet windchill provoque un changement d’unité dans le ressenti. On passe ainsi de 0 °C à 0 °K. Et encore, j’ai les poignées chauffantes et Thérèse est carénée. Si la Sécurité Routière veut obliger les motards à rouler aux vitesses légales, il leur suffit d’abaisser le thermostat, effet garanti sur la vitesse moyenne !

Le bilan une fois arrivé au bureau ? J’ai les yeux bien ouverts. Ecarquillés même puisque le Pinlock ayant abdiqué sur certaines portions, j’ai ponctuellement roulé avec l’écran ouvert. Au moins, ça change de mes collègues venus en voiture dont le regard exprime la lassitude ressentie au volant. Le reste du corps ? Bien, la veste et le pantalon étant hyper efficaces. D’ailleurs, au moment de serrer la main aux gens, ils me font la remarque que, pour un motard en plein hiver, j’ai les mains sacrément chaudes, même avec des poignées chauffantes.

Parce que bon, j’avoue, je triche. J’ai installé des manchons sur Thérèse et comme je n’assume pas, il me fallait bien toute cette introduction pour oser l’écrire. En coupant totalement le vent, ça génère une bulle de chaleur surprenante. Et il faut avouer qu’esthétiquement, ça finit la bête. L’ensemble est d’une rare cohérence. On pourrait aller jusqu’à dire qu’elle est à présent parfaite. Non mais, quelle idée …